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Zamir de HAKAN GUNDAY aux Ed Gallimard

Publié le

Avis paru dans BABELIO

L'actualité nous enseigne la surface des évènements, leur déroulé, leurs exactions, rarement les coulisses et les tractations ainsi que les faux-semblants dont on essaie de deviner les ombres fuyantes d'acteurs inconnus. Un livre comme celui-ci dessine un paysage humanitaire dont les apparences ressemblent furieusement à ce que nous connaissons. Les traits en sont parfois grossis mais tout y est, dans les grandes lignes. L'on descend petit à petit dans les tunnels qui relient une action à une autre, une cause produisant un effet, sans lien pour le commun des mortels.
Un Représentant est un individu qui tente de sauver les apparences, de résoudre les conflits, ou de les minimiser avant qu'ils n'embrasent la planète. Il allume un feu à circoncire afin d'éviter un incendie. Une guerre locale vaut mieux qu'une guerre mondiale. Zamir est de ceux-là, fruit pourri de la compassion organisée et de la sincérité non feinte, chantage à la vie, à la mort, on ne sait, cynisme absolu et définitif d'un mode de gouvernance discrédité, d'instances internationales qui ne peuvent, faute de moyens et de légitimité, intervenir là où leur existence aurait une raison d'être.
La professionnalisation de la charité a déjà été soulignée à maintes reprises, elle s'est déjà substituée aux Etats, elle se coule dans le business model d'entreprise transnationale, au souci premier d'une rentabilité de chaque jour.
C'est un marché que celui de la misère organisée, du trafic d'êtres humains sous couvert d'aide aux réfugiés.
Le plus effroyable dans ce livre est qu'on y croit, que l'on se dit que c'est probablement existant, que les lanceurs d'alertes ont dénoncé des faits s'approchant ce qui est décrit de l'intérieur, de ce que vit Zamir, porte-parole emblématique, organiquement attaché à une multinationale qu'il aide à financer. Qu'il soit turc ou syrien, ou les deux, il ne le sait pas lui-même, il l'apprendra sur le tard, n'a que peu d'intérêt. Il y a longtemps que les lignes rouges décrétées par des présidents en exercice ont été franchies, sans que les Etats ne lèvent le petit doigt.
Ce qui suit dans la pitié et les campagnes de dons n'en est que plus délétère et ravale plus que jamais l'être humain au rang de dernière espèce à sauver quand la Terre sera devenue invivable.
Zamir porte en lui ce cynisme définitif mais il ne gouverne pas, il n'a que le pouvoir de faire pleurer, de susciter les dons, il devient la contradiction ingérable en un seul être, la souffrance et le prix de celle-ci, qu'il sera le seul à payer.
Ouvrage terrifiant de lucidité, parfaitement documenté qui laisse un goût amer.
A lire

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