Terrasses ou Notre baiser si longtemps retardé de LAURENT GAUDE aux Ed Actes sud
Avis paru dans BABELIO
Je ne suis pas très friand de la culture du souvenir, aussi respectable soit-il. Les causes sont rarement évoquées, l'émotion, la sidération noient toute raison, la rationalité n'existe plus. Les actes barbares qui interviennent dans une situation de paix et de tranquillité ont une portée voulue des millions de fois plus dévastatrices qu'une journée ordinaire à Gaza aujourd'hui par exemple, dans l'indifférence la plus totale. Je sens comme un malaise monter insidieusement. L'avis de lecture d'un texte en hommage aux victimes d'attentats survenue il y a 9 années maintenant ne peut que rentrer en résonance avec ce qui se passe en ce moment, depuis le 7 octobre 2023, autre massacre sidérant.
Les vies massacrées de ces gens en terrasse, destins brisés dans une existence sans histoires autres que celles que nous nous fabriquons dans un pays en paix, sans d'autres préoccupations que l'amour, l'amitié, le travail de chaque jour. La normalité cassée en mille morceaux, réduite en bouillie, et la réponse appropriée de chaque actrice ou acteur de ces drames, les regards croisés interrogent et donnent une réponse, toujours la même : pourquoi moi ?
Oui, pourquoi eux, rituel de l'incompréhension, l'acte de tuer là et pas ailleurs est volontaire, faire mal, le maximum de dégâts pour des fanatiques dans le temple de l'insouciance.
Je ne me souviens plus de ce que je faisais ce jour-là, je me souviens de ce je faisais le 11 septembre 2001, pourquoi la mémoire fait-elle le tri ?
Le destin des travailleur(se)s des tours jumelles a été mille fois décrit, là aussi, dans un univers soi-disant à l'abri.
Les massacres ont lieu ailleurs, dans notre vison du monde, pas ici, impossible. Paris n'est pas une forteresse, New-York non plus.
Gaza n'est pas si loin, l'Ukraine encore moins.
Ce livre a mûri chez Laurent Gaudé, donne la parole, plus qu'un rappel mémoriel, à celles et ceux marqué(e)s à jamais, merci.
Une image d'un lieu loin, très loin.