A Saint-Brieuc / Il est 8h35 le 13 décembre 2024
Quand je ferme la porte de mon appartement, descend l'escalier dans les effluves, non du tabac comme une diatribe vengeresse le mentionne sur la porte d'entrée, mais un mix peu ragoutant de nourriture refroidie et de vieillesse racornie, l'imagerie parisienne encore présente m'isole quelque peu de la mortification olfactive. Le froid vif saisit lors de l'ouverture vers la place dite de la Liberté, éventrée depuis plusieurs semaines par un ballet d'engins de chantier s'évertuant à creuser des tranchées, les reboucher, en ouvrir d'autres, établir des itinéraires changeants, la boue inhérente à l'activité habillant le bitume d'un décor de terrain vague. Quelques chauffeurs téméraires tentent de se frayer un chemin, les véhicules garés voient passer avec appréhension les godets d'excavatrices laissant échapper quelques mottes de terre glaise sur des carrosseries intactes. Je zigzague dans ce terrain vague, morne météo en bandoulière, plongé dans les images que vous voyez ci-dessus.
Je prends la tangente vers la rue qui rejoint le centre-ville, agrégat d'anciennes boutiques recyclées en appartements bas de gamme, de vitrines vides ou aveugles. Je m'en vais rejoindre un autre chantier, là où se trouve la poste, le théâtre et le bistrot où je lis le journal local, même spectacle d'une place éventrée (répétition volontaire). Il semblerait que le marchand de fruits et légumes indépendant n'ait pas survécu au chantier. Un de moins.
Ce quotidien n'intéresse que moi, pas d'état d'âme particulier, juste une photographie littérale. J'épargne à mes quelques rares lectrices et lecteurs l'imagerie de ce mini "Detroit", vous savez, la ville américaine, symbole de la déshérence urbaine. Nous sommes loin de la métropole US, heureusement, même si certains journaleux locaux se complaisent dans l'entretien du sentiment dit d'insécurité. Je leur conseille de se promener sur la place en bas de chez moi vers 23 heures, obscurité totale pour cause d'économies énergétiques.
Un no man's land à filmer.
Bonne journée
Un extrait du concert du 5 décembre, histoire d'entretenir la flamme.