Loin, très loin / Il est 7h22 le 15 décembre 2024
Le théâtre d'ombres, personnages furtifs glissant entre deux portes, chuchote à l'oreille :
"Il ne se passe rien, dormez, braves gens, nous sommes entre nous, gens de pouvoir à la connivence secrète dont les liens vous échappent. Il ne s'agit pas de vous ni de vos destinées, vous n'existez pas sur les parquets cirés des palais dont vous longez les façades au fil des rues de la capitale auto-proclamée plus belle ville du monde. Le décor nous sied, de garder la possession de ces lieux, je suis le nouveau locataire de l'Hôtel Matignon, un de plus, le quatrième en deux années, j'y suis. Je suis venu en ces lieux plusieurs fois, de passage obligé comme invité, commis de l’État, j'enrageais de ne pouvoir m'y installer, en attendant mieux. Le temps presse, j'ai 73 ans. Cela a failli, j'ai haussé le ton, il a froncé les sourcils, tremblé puis a dit oui.
Non mais !
C'est moi qui reçois dès aujourd'hui, les solliciteurs, celles et ceux qui traverseront l'Histoire, alimenteront la chronique des gratte-papiers, des saltimbanques en mal de bons mots. Quelle importance que la pièce qui se joue soit de courte durée, elle sera à l'affiche, marquera les esprits, c'est moi qui suis en haut de l'affiche !"
Il parle devant son miroir, en solitude toute retenue, l'huissier attend à la porte que le soliloque s'achève, le premier impétrant fait antichambre...
" Faites entrer " dit le chambellan.
Je peux imaginer, seulement, je ne suis jamais allé à Matignon, la scène ou le ci-devant premier ministre se regarde dans un miroir que je vois en pied, content de lui.
Le pathétique est qu'un homme intelligent, je le pense, puisse se laisser berner au point de s'illusionner sur l'importance qu'on lui accorde.
Le "respect" dont le personnel politique se targue à son égard sonne honteusement faux, la presse impertinente (il en reste) sourit en coin, voire s'esclaffe sur la nature du siège offert à l'éternel et seul habitant du no man's land politique qu'est le centre, "au milieu" comme disait sa marionnette des Guignols de l'info, il y a fort longtemps.
Ce n'est guère important, comme ce blog qui me voit ratiociner chaque matin.
Je constate avec terreur que Gaza ne fait plus la une de l'actualité, que le pays voisin en lambeaux, à savoir la Syrie participe au concours de l'horreur absolue, une surenchère dans l'ignominie. Il existe des personnes qui se battent dans l'ombre, avec un peu de lumière de temps à autre, pour donner de l'espoir aux Palestiniens massacrés dans l'indifférence générale. Les moyens employés à Gaza relèvent du génocide, la faim, les bombes sur les populations civiles, la privation de tout moyen de subsistance, l'interdiction de l'aide humanitaire, les exactions de soldats impunis, rien n'est épargné à cette population. la colonisation à marche forcée de la Cisjordanie, terre volée, l'ensemble constitue un crime contre l'humanité, au vu et au su de la communauté internationale.
Je l'écris de nouveau, il faut le dire et le redire : honte à l'Europe et à sa lâcheté, à sa complicité tacite, honte aux USA qui arment et paient pour asseoir une géopolitique d'un cynisme jamais vu, bien que, si l'on fouille dans les poubelles de l'Histoire...honte aux soi-disant frères arabes du Golfe Persique.
Un vertige soudain me saisit : je regarde la carte du monde et m'aperçoit que les taches de sang souillent la planète, partout où le regard porte.
Je rentre chez moi, comme l'autre en son palais et me regarde dans le miroir de la salle de bains...
Le seul sang que je voie est la coupure faite en me rasant...
La bande-son rembobine vers un scopitone de 1961 et nous sommes encore aujourd'hui dans l'expo sur le Surréalisme, loin, très loin...
Bonne journée