Boucher de JOYCE CAROL OATES aux Ed Philippe Rey
Avis paru dans BABELI
J'ai laissé reposer les contusions émotionnelles, les visions sanguinolentes et les souffrances indicibles contenues dans ce roman. Nous savons toutes et tous que cette auteure prolifique ne fait pas dans le roman à la guimauve trop sucrée. Elle est plus que jamais dans la recherche de ce qui rend l'être humain admirable dans sa capacité à surmonter les épreuves et d'un autre côté dans ce qui le rend si abject ou ignoble par un sadisme socialement justifié. le personnage du médecin, figure centrale, concentre à lui seul, tout ce que l'on peut rejeter, voire éprouver une tentation criminelle, tombant dans le piège tendu du manque de commisération, je n'ose dire de compassion, vis à vis d'un homme dont le déterminisme initial ne peut justifier les actes qui suivront. Les écrits fictionnels s'inspirent de faits réels, de rapports détaillés d'une obstétrique préhistorique, d'une médecine engluée dans des représentations de la femme dont l'Eglise, une fois de plus, fait son miel, justifiant un ostracisme monstrueux de veulerie. Quand nous retrouvons des témoignages plus récents, à l'aune de ce que nous lisons ici, personne ne peut nier le rôle immonde de l'homme d'église, quelque soit sa chapelle. La descente aux enfers à laquelle nous assistons au fil des pages, les infractions au code moral le plus élémentaire, s'arrogeant le droit de s'auto-justifier, comme mentor factice d'une médecine dont le rôle social majeur est de justifier la domination d'une classe de privilégiés sur une grande masse de pauvres exploités jusqu'à la déchéance absolue. Des êtres humains, ça ? se dit le monstre après les avoir charcuté, expérimentant de vagues compétences. le titre n'a nul besoin de qualificatif.
Au fil des pages, une autre présence s'immisce, celle de Mengele et de ses assistants, un siècle plus tard, à la justification toute aussi valable à leurs propres yeux.
La simillitude est d'autant plus troublante qu'au 19ème siècle, l'on se débarrassait d'êtres non conformes, de ces femmes refusant de jouer les potiches tout juste bonne à enfanter. Mengele jugeait les Juifs comme des sous-hommes, le médecin américain ici décrit ces femmes comme des "folles", en accord avec ses collègues. Un frisson nous parcourt l'échine si l'on imagine un formatage de ce type, aujourd'hui, avec des techniques autrement plus sophistiquées, invisibles et socialement acceptées. le génôme humain est complet, il ne reste plus qu'à y introduire quelques perfectionnements...
Ce livre n'est pas simple à lire, je le dis, il a le mérite de projeter dans toute son horreur ce que l'être humain est capable d'infliger à son prochain. Pour lecteur et lectrice avertis.