La roue / il est 8h56 le 31 octobre 2024
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Léo Ferré : Avec le temps (enregistrement TSR, 1973)
Plongez dans l'œuvre de Léo Ferré à travers les différents volets de son intégrale, parus entre 2018 et 2022 : 1 - La Vie moderne : 1944-1959 2 - L'Âge d'or : 1960-1967 3 - La Solitude : 196...
Je me suis fais une réflexion hier : j'avais un rendez-vous vers midi quinze, mal situé à l'heure du déjeuner, à cinquante kilomètres de chez moi, un dentiste dans la campagne, le désert médical n'est pas toujours là où on le situerait de prime abord. Bref, je m'en suis allé, suis passé prendre quelques fleurs tombales, rendis visite à ma maman dans la même commune, disposé les fleurs au bon endroit et retour chez le praticien. J'avais pris la précaution de m'acheter un sandwich, vu l'heure, pour l'après opération "bouche ouverte". Retard de l'homme-médecine, normal, repas sur le parking...J'oubliais que je ne pouvais rentrer chez moi, l'agence immobilière avait une visite de mon appartement en début d'après-midi. Je ne suis rentré qu'en fin d'après-midi.
Pourquoi raconter ces évènements sans intérêt ? Pour la simple raison qu'une vie routinière peut se trouver perturbée par de toutes petites choses, que c'est à cela que l'on devine les prémices d'un autre monde. Quand il ne se passe pas grand chose, un rien devient un tout monstrueux. Quelle affaire !
Eh oui !
Pathétique remplissage que celui-là qui me rappelle un sketch de Gad Elmaleh (ancien), sur ce monsieur qui épluche les papiers qui remplissent sa boîte aux lettres, prospectus publicitaires qui lui sont destinés, à lui personnellement, pense-t-il, terrifiante mise en abime de la solitude, que l'humoriste sut saisir, sans donner l'envie de rire ni de sourire.
La solitude est partagée, si je puis dire par des millions de gens, pesanteur des soirées d'automne et d'hiver. On ne le croirait pas quand vous croisez dans la rue des gens "bien mis", qu'elles ou ils le sont, élégant(e)s, ce qu'il faut pour qu'on ne les remarque pas, sans ostentation ni négligence, non, le filet à provisions, ou le caddie, ou juste le sac à main. Je m'assois sur la banquette, la dame lit, ou fait semblant, un livre, pas le journal, non, un roman, la jaquette fait penser à Gallimard, couleur crème et son liseré double ligne rouge. A côté, Papy dévore littéralement le journal local, le nez sur le papier, la vue baisse, la mine soucieuse, les nouvelles ne sont pas bonnes, d'où qu'elles viennent.
Sujet bateau que l'isolement voulu puis subi, de vies sociales trépidantes, de retour dans le logis devenant tout à coup invivable, soulignant en un tour de clé, posant la sacoche et l'ordinateur, que personne ne vous attend, le chat peut-être, non, pas de chat, le chien n'est plus là depuis longtemps et la dame, quelle dame, ou le monsieur, ah oui, n'habite pas ici, vous êtes chez vous.
Homme ou femme, cette dernière payant un plus lourd tribut, le douteux privilège de vivre plus longtemps est souligné en ces temps de Toussaint. Les échanges que j'eus avec ma grand-mère, morte centenaire, ne laissaient aucun doute quant à ses souhaits que tout ceci s'arrête au plus vite, pas le genre à se plaindre mais quelques soupirs en disaient plus long que mes discours d'alors, outrageusement enthousiastes.
Rien n'arrête la roue du temps, inexorable.
Bonne Journée
La bande-son, autre planète et les images se télescopent.