L'enragé de SORJ CHALANDON aux Ed Grasset
Apprécier une lecture est un bonheur qui dure. Dans une histoire comme celle-là, le partage du destin d'un individu implique que l'on se sente proche de ce qu'il vit. L'auteur se doit d'être précis dans le descriptif de lieux ayant existé, non loin de nous dans le temps et l'espace. J'habite en Bretagne et je visualise l'île, sa beauté sauvage, sa rugueuse nature et l'isolement qui était le sien dans les années 30. L'état d'esprit qui prévaut à la mise en oeuvre de processus dits "éducatifs" révèle une conception tournée exclusivement vers le rejet d'individus susceptibles de montrer les faiblesses d'une société qui ne sait pas comment s'occuper d'êtres voués, selon le code moral de l'époque, à semer le trouble. La mentalité îlienne, rétrograde car isolée des évolutions, garantit l'impossible fuite de ces prisonniers de leur destin. Le héros dont nous partageons la haine de son prochain est une bombe à retardement, un concentré de ce qu'un système carcéral peut produire, l'injustice de son sort ne peut que suscier l'empathie.
Le crescendo dans lequel il est entraîné est semé de doutes, balayés par la violence permanente. Il peut se racheter, tenter de s'amender, chaque évènement ne fait que remettre en question ses tentatives. Une main tendue, une seule sauvera ce qui peut l'être.
Le rythme haletant de ce récit nous transporte, de rebondissements en drames, d'espérances en descentes aux enfers.
A lire tant les tenants et les aboutissants de cette histoire nous semblent proches dans ce qu'ils révèlent d'une nature humaine prompte à se renier.